R&D : Mesures d’adhérence opérationnelle hivernales et application du GRF
La division Sécurité adhérence des Pistes, avec l’aide du laboratoire d’essai et d’expertise a réalisé une campagne de mesures d’adhérence opérationnelle sur l’aérodrome de Mont Dauphin Saint Crépin en janvier 2023. Cette dernière s’inscrit dans une logique de recherche et développement sur les performances freinages des avions sur piste contaminée. Elle s’insère dans les différents programmes de recherche en lien avec la thèse portée par C. GOOSSAERT sur la « modélisation des performances freinage avion à partir de mesures d’adhérence sur chaussée contaminée hivernale », l’application du Global Reporting Format, et les travaux d’intercomparaison entre CFMD. Elle permettra de déterminer l’effort optimal de freinage à fournir pour les avions en fonction de l’état de surface. Cette mission inédite a permis en outre de comprendre et d’apprivoiser le comportement des machines d’adhérence sur chaussée contaminée. L’idée est de pouvoir réitérer l’expérience à plus grande échelle lors de l’année 2024 au Canada.
Lexique
- CFL (coefficient de frottement longitudinal) : il s’agit du rapport entre la force de frottement ralentissant le pneumatique et la force vertical appliquée à la roue. Il peut s’apparenter au coefficient de frottement de coulomb.
- Taux de glissement : lorsqu’un véhicule freine, la roue se met à glisser partiellement par rapport à la chaussée afin de compenser la différence instantanée entre vitesse de rotation de la roue et celle du véhicule. Ce glissement se traduit par un taux de glissement ou plus communément appelé effort de freinage. Plus le freinage est fort, plus ce dernier tend vers 100% de glissement en absence d’ABS sur nos véhicules. L’effort maximal de freinage se situe entre 8% et 15 % (plage de fonctionnement des ABS) en fonction de l’état de la chaussée.
L’aérodrome et les moyens
L’expérimentation a pris place sur l’aérodrome de Mont Dauphin Saint Crépin dans les Alpes, pendant 3 jours de mesures. L’exploitant de l’aéroport a laissé sa piste totalement enneigée afin de pouvoir tester les CFMD dans les conditions les plus défavorables qui soient. Le seul défaut à déplorer est la non-représentativité et l’hétérogénéité des contaminants vis-à-vis du GRF.
La piste 16/34 mesure 845 m de long et 30 m de large comme l’indique la Figure 1.
Figure 1 : Vue aérienne de la piste 16/34 Mont Dauphin St Crépin | |
Figure 2 : Equipe et véhicules adhérence |
Figure 3 : Pneu AIPCR rainuré |
Les moyens mis à disposition pour la réalisation de ces essais étaient l’IMAG et le STFT, le pendule SRT, ainsi qu’un coordonnateur des essais et un superviseur de la piste également responsable des relevés GRF. Un capteur de contaminant optique également été utilisé afin de suivre la nature du contaminant sur la chaussée. Tous les essais ont été effectués avec pneus rainurés comme le montre la Figure 3.
Enfin le plan d’expérience a été établi de manière à créer une bande de retour véhicule, une zone de retournement, et la des bande piste vierge à mesurer, comme le résume la Figure 4. En fin d’expérimentation, il ne reste plus que de la neige compactée comme le montre la Figure 5.
Figure 4 : Description de la zone d'essais (premier jour) |
Figure 5 : Piste totalement mesurée et compactée (dernier jour) |
Application du Global Reporting Format
Depuis l’entrée en vigueur du GRF, les aéroports sont fréquemment confrontés à la difficulté de pouvoir estimer un RWYCC avec fiabilité. C’est pourquoi, la boite à outils mise à disposition par le STAC afin d’estimer le RWYCC par tiers de piste (voir Figure 6) a tenté d’être appliquée. Qualifier la nature, et l’épaisseur du contaminant était parfois très subjectif, voire irréalisable dans ce cas de figure. De plus 90% des observations orientent vers un code 3 (voir Figure 7), or les CFL mesurés sont beaucoup plus volatiles, ce qui confirme que ces derniers ne sont pas assez discrétisés. En conclusion, l’estimation du RWYCC, est beaucoup trop subjective, compliquée à mettre en œuvre, et pas assez représentative de l’état réelle de glissance.
Figure 6 : Evaluation de l'état de surface selon la méthode GRF | |
Figure 7 : RWYCC relevés par inspection visuelle des contaminants |
Mesures d’adhérence sur contaminants hivernaux multiparamétrique
Afin de pouvoir caractériser au mieux l’adhérence de chaque contaminant hivernal, une multitude de points de fonctionnement a été testé, en faisant varier la vitesse et le taux de freinage avec l’IMAG. La neige compactée (Figure 9), la neige fraiche (Figure 10) et la glace ont ainsi été testées successivement.
La principale difficulté rencontrée durant les essais résidait dans la répétabilité des mesures, dans le contexte d’un état de contamination de la piste hétérogène car évolutif. Ce problème s’est avéré particulièrement prégnant sur la neige mouillée et non compactée (contrôle directionnel de l’IMAG dont les roues porteuses glissaient) et a imposé de réduire la vitesse d’essai. L’objectif de l’adaptation du plan d’expérience était d’évaluer la stabilité de la machine sur plusieurs portions de piste mesurée. Cela a conduit à étudier le CFL uniquement dans les zones où le glissement est stabilisé et correctement asservi par la machine comme le montre la Figure 8.
Figure 8 : Choix des zones valides en effort de freinage |
Figure 9 : IMAG sur neige compactée (ou partiellement compactée) |
Figure 10 : IMAG dans la neige fraiche (20cm) |
Figure 11 : Adhérence sur neige compactée à 40 km/h |
La variation du CFL en fonction du taux de glissement est récupérée, d’après la Figure 11 ci-dessus. Ici par exemple, comme indiqué dans le lexique, sur chaussée enneigée, l’effort de freinage est plus efficace à 10 % de glissement qu’à 40 % (0.28/0.2), ce qui signifie que l’ABS se déclencherait avant les 15 % sur ce type de chaussée.
Intercomparaison STFT/ IMAG
Une intercomparaison entre deux machines d’adhérence sur la neige a été reproduite. Les points de fonctionnement mis en place sont les mêmes que ceux des comparaisons interlaboratoires à Nantes (https://www.stac.aviation-civile.gouv.fr/fr/chaussees-aeronautiques/adherence/comparaisons-interlaboratoires), à savoir une vitesse de 65 km/h et un taux de freinage de 15 %.
Il est observé que l’asservissement du système de freinage de l’IMAG ne se stabilisait pas à cette vitesse. C’est pourquoi les essais ont été réalisés à 40 km/h.
Figure 12 : IMAG et STFT au départ sur neige compactée |
Sur 3 contaminants testés, un certain écart répétable existe entre les deux machines en matière de CFL mesuré, comme le montre la Figure 13, sur neige fraiche.
Figure 13 : Intercomparaison sur le linéaire de piste iso contaminant |
Conclusion
L’ensemble des corrélations entre CFL et les divers contaminants hivernaux disponibles est en cours d’étude et sera publié prochainement par la division SAP du STAC. Cette expérimentation a notamment permis d’identifier les problèmes apparents de l’IMAG sur contaminants hivernaux en matière d’asservissement de l’effort de freinage. L’effort de freinage sera stabilisé grâce à l’aide de roues porteuses avec pneus neige et des contaminants de plus faibles épaisseurs. Ceci sera pris en compte dans la future campagne d’essais, prévue en 2024, visant à caractériser l’influence sur le CFL du SLUSH, de la NEIGE COMPACTEE et de la NEIGE FRAICHE, pour ensuite déterminer la performance freinage avion en comparaison avec le RWYCC.
Remerciements
- Aérodrome de Mont-Dauphin St-Crépin, pour la disponibilité de la piste et des hangars de stockages
- Viabilité hivernale des routes hautes alpes, pour la déneigeuse et le compactage des contaminants
- Equipe laboratoire (L2E)
- Richard Metzger, photographe STAC
Mise à jour le 10 nov. 2023